mardi 3 janvier 2012

« Newsmotion n'est pas qu'un média, c'est aussi un laboratoire de l'info »


Thomas Seymat, diplomé de Science Po et jeune journaliste web, présente Newsmotion, ce nouveau média collaboratif qui impose une fois de plus Internet comme nouvel outil journalistique.



Qu'est ce que Newsmotion? 
Newsmotion.org est un projet fondé par un collectif de journalistes, scientifiques et artistes, pour créer un nouveau média en ligne. Le concept de Newsmotion, tel que je le comprends après mes discussions avec le fondateur Julian Rubinstein, est d'avoir sur la même page web du contenu original et exclusif produit par des journalistes (pigistes ou non) travaillant pour Newsmotion, mais aussi des colonnes où sont agrégées des flux d'infos (soit du texte avec des flux RSS soit des flux Twitter) classés en trois catégories : sources officielles (gouvernementales) "non-officielles" (organisations médiatiques) et citoyennes (individus & journalistes divers opérant sur le terrain). L'intérêt est d'avoir sur la même page toutes les informations nécessaires pour à la fois suivre un évènement (l'idée de Newsmotion est venue aux fondateurs au moment de la révolution égyptienne) avec des analyses et reportages originaux et de la discussion en ligne. 
L'équipe compte aussi, comme je l'ai dit, des artistes et des scientifiques donc Newsmotion n'est pas qu'un média, c'est aussi un laboratoire de l'info et un lieu de production de contenu destiné à traiter l'info de façon différente (artistique si l'on peut dire) et innovatrice pour le public (comme par exemple un projet de visualisation de données sur les roues de vélo) avec toujours comme idée de faire écho à des histoires peu ou pas couvertes dans les autres médias et travailler main dans la main avec l'audience pour que la couverture de l'actualité se nourrisse des sources citoyennes. C'est du journalisme citoyen, mais pas juste pour dire "envoyez nous des photos et votre témoignage"... 

Quel est le futur de Newsmotion ?
Il est encore un peu incertain - monter un nouveau média en temps de crise n'est pas chose aisée – mais il vient de s'éclaircir il y a quelques jours avec le succès de la campagne de levée de fonds collaborative qui a atteint et même dépassé son objectif de 35 000$ avec exactement 41 338$ donnés par 568 généreux internautes. Cette somme devrait permettre de lancer la version béta du site en ligne, ainsi que de permettre la production de quelques reportages dont un sur les causes du génocide au Rwanda. 
Pour le reste, je ne sais pas trop, n'étant pas dans les bureaux du site à Brooklyn (qui ne doivent vraiment pas être bien grands j'imagine, mais je n'y ai jamais mis les pieds). L’idée est quand même de lancer le site à la fin du premier trimestre 2012 et d'ici là d'avoir assuré un financement mixte avec de la pub, les dons de fondations et de Kickstarter (*site internet créé en 2009, ouvert à tous et qui finance des projets de création) et un système de contenu premium également.

Quelle est votre contribution à Newsmotion?
J'ai contacté Newsmotion en juillet 2011 dès que j'ai vu un premier article qui en parlait. J'étais tout particulièrement intéressé parce que le site souhaitait mettre en place un réseau de journalistes à l'étranger. Je n'ai pas hésité une seule seconde. Après un premier contact de ma part par email, j’ai eu une discussion de 45 minutes avec Julian Rubinstein sur Skype (*logiciel de messagerie et visioconférence).
Au cours de cette discussion et des suivantes, on a défini comment j'allais pouvoir aider Newsmotion : il y a toute une partie invisible de mon travail qui a été la création d'une base de données de sources francophones, que ce soit blogs ou comptes Twitter et qui servira à alimenter les flux sur le site. Entre temps, j'ai intégré l'équipe "médias sociaux" et je m'occupe du compte @Newsmotion_fr qui pour l'instant relaie des infos sur l'avancée du projet mais aussi sur d'autres infos en français qui tombent sous la ligne éditoriale du site. J'ai aussi essayé de mobiliser le Twitter francophone pour la levée de fonds collaborative - même si la culture du don est assez différente en France par rapport aux Etats-Unis.
J'ai réalisé ces deux missions de façon bénévole - d'une part parce que tous ceux qui travaillent pour le site sont bénévoles et d'autre part parce que j'ai foi - ou bon espoir - dans le potentiel du projet Newsmotion qui m'a plu dès le début. Une troisième mission m'attends, mais j'ai mis un point d'honneur à ce que celle-ci me soit rémunérée, c'est la traduction de l'anglais vers le français du site. Étant donné que le site veut se lancer dans 13 langues différentes (!), ils avaient besoin d'une série de journalistes étrangers pour leur équipe. 

Comment voyez-vous Internet pour le métier de journaliste? 
Je me définis principalement comme un journaliste web, donc mon point de vue est forcément partial. Je pense que l’on n’a pas commencé à mesurer dans sa totalité la portée transformatrice d'Internet sur le journalisme et cela n’est pas plus mal. Sous l'influence du web, le métier de journaliste peut évoluer comme le journaliste du Monde.fr qui bâtonne des dépêches d'agences toute la journée, le journaliste du Post.fr qui fait des articles pour coller le plus au buzz et chasser le clic, le journaliste d'Owni qui casse toutes les barrières entre données, programmation et journalisme, ou le pigiste qui, de sa chambre à Lyon peut être en contact avec toutes les rédactions parisiennes et ses sources de son article qu'elles soient au bout de sa rue ou à l'autre bout du monde. Internet ouvre un monde d'opportunités pour les journalistes.
Certains journalistes disent que rien ne remplace le terrain, ce qui me fait sourire parce que de ce que j'ai pu voir, 80 à 90% de la journée du journaliste se passent soit à son bureau, soit à des évènements que l'on peut difficilement qualifier de terrain comme des conférences de presse ou des interviews dans des restaurants etc. La seule limite d'Internet, c'était que le media « texte » n'est pas toujours suffisant pour donner une image correcte d'un évènement - mais avec Skype, les services de partage de photos, vidéos en ligne et autre, cette limite tend à disparaitre.  Je suis surement un peu naïf ou très optimiste quant à l'utilisation de la technologie, mais pour moi, du moment qu'une personne sur internet compile, hiérarchise, creuse un peu et va chercher de nouvelles informations sur un sujet d'actualité - en étant honnête et en ne se limitant pas à du commentaire - c'est du journalisme. 




Propos recueillis par Justine FONTAINE


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